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Le 15/07/2023

UX Days 2023 : l’amélioration continue

UX : deux lettres qui ne signifient rien pour le commun des mortels, mais derrière lesquelles se cache tout un monde pour les initiés. Et s’il est bien un endroit en France où il faut aller pour découvrir ce curieux univers, c’est bien aux UX Days ! L’évènement dédié aux métiers de l’expérience utilisateurs (User Xperience en anglais, dont l’acronyme est tiré), organisés le 25 et 26 mai 2023 à la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette à Paris.

Je suis moi même “un UX chez Nexton-consulting et plus précisément un Product designer, et comme j’ai pu m’en rendre compte durant ces deux jours, nous étions nombreux sur place (jusqu’à 800 personnes) à travailler dans ce domaine. Pourtant nous avons tous des parcours différents et surtout nous ne faisons pas exactement les mêmes choses au sein de nos entreprises. Voici un aperçu de la variété de métiers de l’UX qui étaient présents : ergonomes, ethnographes, UX designer, UI designer, UX/UI, UX writers, DA, design system designer, product designer, UX researcher, service designer, etc.

37 intervenants nous ont durant ces deux jours partagé leur spécialités à travers des conférences et des ateliers, voici en quelques mots les tendances qui m’ont semblé remonter à la surface.

Les designers se sont battus pour l’Utilisateur 

Pour Sylvie Daumal, pionnière du design d’expérience en France dans les années 2000 “Les seuls qui ont permis à des personnes très différentes de travailler ensemble sont les designers. Ils ont donc un rôle à jouer.“

Les “designers” (qui ne s’appelaient pas encore ainsi), ont donc dû se battre pour faire comprendre que la conception centrée utilisateur était l’affaire de tous au sein de l'entreprise.

Aujourd’hui les entreprises du numérique particulièrement, ont parfaitement compris l'intérêt business d’offrir des produits adaptés aux personnes susceptibles de les utiliser. Les équipes de design renforcent leurs expertises et se spécialisent (data, ux writing, service design, etc). Mais bien que le métier soit mieux compris et reconnu, les designers ne peuvent pas se reposer sur leurs lauriers, car les usages et les mentalités ont changé et nous devons faire évoluer nos pratiques aussi.

Atelier UX Days 

L'éthique comme devoir moral de conception

Pour Jeff Gothelf, co-auteur du livre primé Lean UX “Internet se construit, il ne finit jamais, il n’y a pas de fin à internet”. Pourtant, toujours plus de mise à jour et de code informatique ne signifient pas plus de valeur, il faut concevoir de manière éthique. Pour lui “il faut mesurer les changements dans le comportement humain. C’est comme cela que l’on sait si l’on augmente la valeur pour les clients.” 

Aux UX Days on a aussi beaucoup entendu parlé d’éco-conception, ou encore de Green-IT. Pour Sylvie Daumal “plus de 80% de l'impact environnemental d’un produit est directement lié à la conception, donc au design”, pour elle “les designers ont donc une grande responsabilité.” Pour prendre leur part à la lutte contre le réchauffement climatique, les designers doivent avoir une approche de design systémique. Il s’agit d’une approche de conception basée sur la compréhension des contextes globaux dans lesquels elle s’inscrit, comme l’écologie. Les designers doivent donc repenser leur manière de concevoir car les méthodes classiques, trop linéaires, sont devenues limitées…

Le sujet de la conception éthique est discuté par les professionnels de l’UX présents. 

À la fin de la conférence de Jeff Gothelf, un UX de l’audience prend la parole et explique sa situation : il travaille pour une entreprise qui fait usage de dark patterns (interfaces qui ont été volontairement conçues pour tromper l’utilisateur), il n’a pas de marge de manoeuvre, et se demande ce qu’il peut faire. Pour Jeff Gothelf la réponse est claire : c’est à un membre de l’équipe de “lever la main” et d’expliquer à sa hiérarchie que ces pratiques doivent être proscrites.

Connaissances et exploration

Le défi qui est donc posé aux designers (par les designers ?)  est de concevoir des produits éthiques et accessibles de manière systémique. Il ne suffit plus de se tenir au courant des dernières avancées technologiques, d’apprendre à utiliser les nouveaux outils de conception, il faut s’engager et être porteur de cette vision dans l’entreprise, tout en concevant de manière compétitive d’un point de vue économique. Et pour cela le designer doit dompter une bête effrayante, la data !

Pour Clarisse Moisand, fondatrice de Wedo studios “la data ça ne me passionne pas, ce n’est pas mon métier, mais j’ai compris que j’en avais besoin”.

En 10 ans de carrière dans l’UX research elle a vu son métier évoluer et passer d’une “fonction exécutive à une fonction stratégique dans entreprise. Hier notre travail était plus visible car il était nouveau, aujourd’hui il est plutôt dans les process et les micro-interactions”. 

C’est en cela que le data driven design a son importance car comme son nom l’indique, c’est la donnée qui guide les choix de conceptions. Or, être capable de l’utiliser permet aux designers d’appuyer leurs choix de conception et les légitiment à participer à la stratégie des entreprises. 

Cela fait peur, mais il faut prendre le train en marche

L’éco-conception, le design éthique, l’accessibilité, la data…autant de sujets qu’en tant que designers nous n’avons pas le droit de mettre de côté. Car si ce n’est pas nous qui proposons des solutions éco-conçues, éthiques tout en restant attrayantes et compétitives, nous prenons le risque que le sujet soit constamment repoussé. Et pour cela nous devons travailler de concert avec l’ensemble des expertises de l’entreprise.

Pour Vincent Aniort et Patricia Loubet, experts chez Orange en accessibilité numérique (dont le but est de permettre aux personnes en situation de handicap d'accéder aux contenus et fonctionnalités numériques sans difficulté), il faut y aller “un pas après l’autre”. Concevoir des produits numériques accessibles à 100%, à minima pour les grandes entreprises demande un gros travail de prise de conscience et de montée en compétence en interne. Pour ces experts, il faut se jeter dans le bain, faire des erreurs et s’améliorer, mais surtout il faut commencer. 

En cela les premières réglementations d’état (RGAA, WCAG) poussent les grandes entreprises à prendre le pas de l’accessibilité numérique, mais aussi de l’éco-conception (règlement “Taxonomie” qui détermine si une activité économique est durable et incite les entreprises à investir dans ce sens). 

Ces défis nous sont posés aussi à nous designers, à notre petite échelle, alors que nous n’avons pas encore forcément les connaissances nécessaires. La solution qui nous est conseillée est d’y aller… “un pas après l’autre”. En somme, il faudrait utiliser la même approche itérative pour développer nos compétences, que nous utilisons au quotidien pour concevoir nos produits. 

S’adapter à son environnement 

UX designer est le plus beau métier du monde, car il n’en n’est pas un. On est “designer”, mais ce titre, on l’a vu, ne permet pas de définir ce que l’on fait en entreprise, car d’un client, d’un utilisateur, d’un produit  à l’autre nous devons adapter notre manière de travailler, nos méthodes, nos outils dans un monde où les usages et les technologies évoluent très rapidement. L’éthique, qu’elle soit de l’ordre de l’écologie, l’accessibilité où contre les dark pattern, ré-oriente le positionnement que doit avoir le designer au sein de son entreprise. Quel que soit le défi qu’il soit donné à l’UX designer, son “KPI principal” n’est plus uniquement la satisfaction de l’utilisateur. Il doit aussi penser…systémique et éthique.

Quentin Debaene, Product Designer

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