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Le 19/06/2023

Le design systémique

Qu’est-ce que le design systémique ? Ça vient d’où et c’est pour quoi faire ? Comment on anime un atelier de design systémique?

Emmanuelle, Designer Sénior, vous explique en détail le design systémique : 

UN PEU D’HISTOIRE

Le design systémique : ça vient d’où et c’est pour quoi faire ?

Une date à retenir, celle qui va influencer le design systémique et la matinée du 19 mai 2022 aux UX Days by Flupa, c’est l’année 1972, et un fameux rapport demandé à des chercheurs du MIT. Dans ce rapport intitulé “The Limits to Growth, Donella et Dennis Meadows tout est dit, sur ce qu’un monde de croissance non raisonnée peut nous apporter : un effondrement écologique et économique. Il faut donc (ça parait simple dit comme cela) raisonner la croissance et préserver les équilibres démographiques, écologiques et économiques en contraignant la course à l’abondance.

Un rapport et on ne change rien

Alors, faisons court, ce rapport n’a pas plu à beaucoup de monde avec son idée de croissance à limiter. Surtout dans les années 80 et 90, lorsque le monde profitait allègrement du plastique, des walkmans, des climatisations, avec des voyages dans tous les sens en avion. Le rapport a eu l’impact d’un voisin rabat-joie qui sonne à votre porte pendant une grosse soirée du nouvel an. 

Mais depuis quelques années les choses ont changé. L’arrivée imminente d’une catastrophe annoncée a entrainé une autre conscience. Le design systémique s’inscrit dans ce mouvement, avec une approche circulaire des interactions entre un être vivant (trop souvent un humain) et son environnement. Le design systémique doit permettre de travailler les solutions en intégrant les “causes” et les “effets”. Voyons cela plus en détail…

LE CONCEPT

Le buffet d’ogres virtuels

Dans le design systémique il y a des constats. Celui de 1972 et puis des faits plus récents.

S’ajoutent, aux constats des années 70 :

  • la croissance obésicielle des outils digitaux,
  • des serveurs zombis qui stockent des données inutiles,
  • des logiciels trop vite obsolescents,
  • 45 % des fonctions “non utilisées”,
  • 70 % des fonctions ou outils estimés “non essentiels”.

C’est donc un buffet d’ogres virtuels que nous dévorons avec nos écrans. Bref, notre impact carbone, ce n’est pas que la voiture, voire pas tant que ça. C’est notre appétit. La production est donc entropique, elle s’affole, la low tech ne fait pas loi. On est loin du compte. Et par-dessus le marché, nous les “designers” perçus (à tort) comme des machines à créer des interfaces digitales, nous serions donc les bras armés de la virtualisation déraisonnée.

LA PRATIQUE

Quelques notions essentielles…

Après ces constats, qui nous incluent dans le problème (c’est la mauvaise surprise, nous ne sommes pas des petits anges parfaits), le design systémique se pose comme le moyen de conceptualiser des solutions en ne pensant plus uniquement au problème isolé, mais bien au problème à aborder dans sa globalité avec ses connections et ses effets. Pour le mettre en œuvre, il faut donc lister les interactions qui lient une personne à un projet, ou un problème à résoudre.

Pour comprendre la méthode, il faut maîtriser 3 notions, illustrées ci-dessous :

  • les typologies d’impacts (sur quel type d’environnement le projet va avoir un impact ?)
  • les échelles d’impacts (est-ce que je serai la seule ou le seul à en subir les conséquences ?)
  • les boucles de rétroactions (quelles sont les rétroactions, positives et négatives ?)

Les boucles uniquement positives créent un effet boule de neige auquel il faut préférer une boucle en équilibre (positif/négatif).

Figure 1- Analyse d’une problématique UX en intégrant les impacts sur 3 dimensions (économiques, environnementales et sociales)

Figure 2- Placer une expérience avec les échelles des dimensions d’impacts individuels mais aussi communautaires puis globales

Comment on anime un atelier de design systémique?

Un atelier de design systémique consiste à découper un projet en possibilités d’impacts, positifs ou négatifs. Les personnes impliquées dans l’atelier enrichissent la matrice (Impact Modèle Canevas) des possibilités d’impacts sur une idée, un projet.

À l’issue de cette étape de “génération d’impacts”, un temps est consacré à la prise de connaissance des résultats et listes d’impacts générés.

Ensuite, l’équipe va créer les liens entre chaque impact “est-ce une conséquence de l’impact 1 ou une source d’impact pour 3 ?”.

Une fois la création de boucles d’impacts terminée, l’équipe décide de travailler sur une boucle spécifique. Il s’agit de porter le focus sur cette partie du système afin de générer un design évitant les effets boules de neige sur des rétroactions non vertueuses sur une boucle à la fois.

L’effet boule de neige est un effet d'entraînement d’une rétroaction trop positive ou trop négative (comme une boule de neige alimentée par son mouvement). Cet effet n’est pas forcément recherché. Il peut entraîner des conséquences non vertueuses, même si les rétroactions sont “positives”. Un système équilibré et sans excès ou emballement est davantage attendu.

Après la sélection de la boucle à améliorer, une étape d’étiquetage des axes d’amélioration est réalisée à l’aide des 17 objets de développements durables de l’ONU. Ce taggage permettra de générer des solutions en axant l’amélioration vers l’un des but identifié par globalgoals.org.

LE RÔLE DU DESIGNER

Voilà donc les ingrédients et la recette d’un atelier de design systémique. On le constate, la discipline a sa méthode, ses outils et cela fonctionne assez bien. Je n’étais pas particulièrement convaincue avant ma participation. Les résultats en 1h30 d'atelier ont été assez significatifs. Il faut bien plus de temps pour un travail complet, mais la sensibilisation a été très réussie, bravo aux animatrices de PALO.IT.

Mais la méthode toute seule ne sera pas la seule solution, il en faudra beaucoup plus pour résoudre le “BIG” problème exposé par Jean Marc Jancovici lors des UX Days by Flupa. Alors, imaginons, un peu ce que nous pourrions ajouter pour que la recette ait de l’impact dans nos missions.

Designer, un métier de déontologie

Par une constante association entre méthode et déontologie dans notre métier, nous pourrions entrainer et accélérer l’appropriation de la systémique chez nos clients. Nous pouvons proposer le plus souvent possible le design systémique aux interlocuteurs déjà sensibilisés à la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Cela est à notre portée. Il faut en parler.

Designer d’une croissance désirable

Revenons à l’effet catastrophique de l’annonce de la “mauvaise nouvelle”. Comme en 1972 et son rapport Meadows, la présentation de Jean-Marc Jancovici lors des UX Days nous a laissés un peu sonnés.

C’est sans doute nécessaire pour que nous puissions enfin réagir, c’est sans doute voulu. Mais est-ce la bonne façon de procéder pour modifier le système et les pratiques ? En tant que Designers, nous avons à cœur de rendre les expériences plus simples, plus efficaces et aussi plus “désirables”.

Il y a dans les alertes anxiogènes des effets de bords, dont l’un étant « l’effet de sidération » puis de « déni ». Nous le savons bien, les choses ne sont pas rationnelles. Et notre métier, nous permet d’agir sur cela. Aller au-delà des analyses objectives et de proposer des solutions qui iront chercher autre chose que la peur. Il faut donc engager un design désirable des nouvelles pratiques systémiques. Peut-être que nous drainerions plus de personnes convaincues que sceptiques voire, agissantes au quotidien.

Et pour cela, notre cerveau créatif sera une méthode centrale.

Et maintenant, on fait quoi ?

Trop souvent, notre métier est associé aux interfaces utilisateurs. Et cela n’est pas le reflet de notre travail. Nous ne visons pas la création d’une application de plus, mais bien la résolution efficace et complète d’un problème bien formulé. À nous de bien expliquer notre métier, en ne le réduisant pas à la création d’une UI.

Ce que nous faisons, avant le livrable, est fondamental. Il faut le défendre et le proposer ou l’exposer davantage. Nous accompagnons les clients par le design. Le designer est une interface entre un monde interagissant et un problème.

Doit-on encore centrer notre métier sur l’expérience utilisateur ? Ou peut-on désormais parler simplement de design dans un monde en interactions ? Je suggère donc de mieux informer nos collaborateurs et partenaires, c’est une bonne nouvelle car nous pouvons aller encore plus loin avec eux, et offrir encore plus de valeurs aux projets. Et donc résoudre des problèmes d’une grande complexité sociale, économique et environnementale.

 

Emmanuelle, Designer Sénior

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